Un steack trop cuit
Livrés à eux-mêmes, un frère et une sœur se disputent un repas frugal préparé par la jeune fille.
Premier film de Luc Moullet, Un steack trop cuit – ont le titre est un clin d'œil à Charlotte et son steak d'Éric Rohmer – voit le jour grâce à Jean-Luc Godard. Critique pour les Cahiers du cinéma lors de la sortie d'À bout de souffle, Luc Moullet lui consacre un texte dithyrambique, fort apprécié par Godard. Pour le remercier, le réalisateur lui fait rencontrer son producteur, Georges de Beauregard, qui lui propose de l'aider à monter son court métrage. Entre citations de Kant, langage fleuri et décor minimaliste, le jeune cinéaste dirige ici son propre frère, Albert Juross, et Françoise Vatel qu'il retrouvera, cinq ans plus tard, dans Brigitte et Brigitte. Avec, déjà, une liberté formelle et thématique étonnante, Luc Moullet filme, de la cuisine au salon, la chaleureuse harmonie de son duo d'acteurs, un frère et une sœur lancés en pleine chamaillerie verbale. Dans ce puzzle d'images aussi piquant que tendre, Luc Moullet se permet même un facétieux caméo où il se déguise, prenant les traits de Godard, et regarde sa comédienne déchirer un exemplaire des Cahiers. De critique à metteur en scène, une page se tourne à l'écran au sein d'une boucle fantaisiste qui impose la singularité de son futur style.