Le grand paysage d'Alexis Droeven
A l’est de la Belgique, au Pays de Herve, à quelques kilomètres de la commune de Fourons prise dans la violence des affrontements linguistiques, le monde agricole en période de mutation – s’industrialiser ou disparaître, s’adapter aux normes de la P.A.C. ou se marginaliser –, voilà pour le paysage historique. Le paysage affectif est tout aussi dramatique, c’est la mort du père. Ces événements tragiques vont peser en même temps dans la vie d’un jeune agriculteur. Va-t-il reprendre la ferme ou décider de s’exiler en ville, s’inventer une nouvelle vie loin de ces problèmes et ces conflits, quitter le grand paysage d’Alexis, le mort, comme lui suggère sa tante, la belle Nicole Garcia, avocate à Liège.
Le grand paysage d’Alexis Droeven est un film important par son sujet et son style. Il ne fait pas partie du classique cinéma paysan tel qu’on a pu le connaître de Farrebique à L’arbre aux sabots. Comme Le fils d’Amr est mort, le précédent film d’Andrien, il inscrit la quête du père dans un milieu rural et il permet aussi à son réalisateur de développer la poésie, des lieux, de l’espace, en de superbes images. Il s’attache également à ne pas déterritorialiser la fiction. Jean-Jacques Andrien la lie toujours à la description de milieux marginalisés, des perdants de l’histoire. La rupture des structures traditionnelles fait écho à la fragilité des personnages, amplifie la recherche d’eux-mêmes qu’ils mènent à tâtons.
Jacqueline Aubenas. La Revue Nouvelle,1981.