L'Angoisse du gardien de but au moment du pénalty
Expulsé par l’arbitre, un gardien de but erre dans les rues de Vienne et fait la connaissance d’une jeune femme...
Wim Wenders signe à 27 ans cette adaptation d’un roman de l’écrivain autrichien Peter Handke. L’histoire est déjà celle d’une errance, mais comme cisaillée au rasoir d’une narration sèchement syncopée.
Un gardien de but se voit suspendu au cours d’un match. S’ouvre alors pour lui une parenthèse existentielle, celle d’une dérive hasardeuse dans les rues et les chambres miteuses de Vienne, où il étrangle au passage une ouvreuse de cinéma. Le personnage est l’incarnation type du sujet moderne, amené à se dis- soudre et à s’opacifier dans son expérience du monde. Il joue à son insu le rôle de guide ambigu dans une Autriche des petits métiers de service tissant un vaste réseau de banalités dont le contrechamp discret serait l’Amérique (les films à l’affiche, Les chansons des jukebox). Quelle commune mesure entre son geste transgressif (le meurtre) et ce quotidien gourd et blême, parfois secoué par une horreur irréelle ? À la fin du film, le gardien sera passé de l’autre côté du miroir, pour atterrir dans les gradins d’un nouveau match dont il est devenu, cette fois, le spectateur.
Mathieu Macheret