L'Étrange Monsieur Victor
Père de famille modèle, figure populaire et joviale du vieux port de Toulon, Monsieur Victor est aussi un recéleur cupide et le redoutable chef d’une bande de malfaiteurs. Quand l’un de ses complices menace de le faire chanter, il n’hésite pas à l’assassiner et à laisser un innocent se faire condamner à sa place. Sept ans plus tard, l’innocent s’évade du bagne et revient à Toulon où Monsieur Victor poursuit sa paisible existence familiale…
Pour le premier de ses quatre chefs-d’œuvre de fiction, durant son âge d’or de 1938 à 1944, Grémillon cite cette fois de façon directe La petite Lise, le personnage du cordonnier se retrouvant au bagne. Ce n’est pas à Paris qu’il revient mais à Toulon, où le drame se tisse derrière les persiennes d’un vaste appartement. C’est à son premier long métrage muet qu’on pense, Maldone, tant les deux œuvres se trouvent placées sous le même signe d’une identité mal assumée, d’une dualité qui divise l’être (Dullin dans le film muet, Raimu dans le parlant). Le retour auprès du cinéaste du musicien Roland-Manuel renforce la dimension poétique du film. Grémillon travaille son sujet en documentariste, ce qui donne lieu à deux des plus belles scènes d’amour du cinéma français, placées dans le cadre quotidien d’une vaisselle puis d’un repassage.
Philippe Roger