
Un homme sans l’Occident
Une évocation de la vie de l’un des derniers hommes libres du Sahara au début du XXe siècle. Adopté par des chasseurs, cet homme du désert devient un guide réputé et tente d’échapper à la colonisation.
Voici un film dont il faut oublier le prétexte pour goûter la saveur. Il y a eu un texte, un roman d’autrefois propre à séduire par son atypisme exotique l’homme actuel, mais cette histoire ne parvient jamais à s’imposer dans le film censé l’adapter. Prétexte, donc, pour quelque autre quête, plus profonde, plus vraie. Du photographe, du documentariste Raymond Depardon, on reçoit parfois des tentatives de fiction qui n’aboutissent pas vraiment. C’est que les termes mentent, en simplifiant. La fiction, au sens d’épaisseur romanesque, Depardon la malaxe avec force dans ses films dits « documentaires » (qu’on se souvienne de son récent, bouleversant Profils paysans, où chaque personne devenait personnage, par la vertu d’une écoute partagée). Le réel est bien la plus belle école de fiction, du moins pour ceux qui y engagent tout leur être par leur regard ; quand le documentaire oublie le « reportage », c’est-à-dire l’imposition arbitraire d’un cliché sur la réalité mouvante, il s’aventure dans la poésie inépuisable du monde.
Philippe Roger, Etudes