Une Chambre en ville
1955. Nantes. Les chantiers navals sont en grève. Une veuve loue une chambre à un ouvrier. Une nuit, il est abordé par une femme nue sous son manteau.
Dans Une Chambre en ville, chanté de bout en bout (sur la partition de Michel Colombier), les personnages évoluent dans un monde saturé de couleurs sombres. Le film est une variation autour du motif du fantôme : la mort du frère, les rues de Nantes filmées de manière presque gothique, avec en son centre névralgique l’appartement étouffant de la colonelle Langlois (Danielle Darrieux). Pour montrer ce monde en déflagration, Une Chambre en ville est élaboré avec une provocante puissance plastique. À ce stade de sa vie et de son œuvre, Demy dit que les désirs irréalisés amènent à faire jaillir du sang sur la toile de l’écran. D’un côté, la passion qui mène au trépas (l’amour impossible entre un ouvrier et une bourgeoise) ; de l’autre, la fracture sociale et les barricades qui tuent également. Et la sexualité crue, dans le champ, au premier plan : intangible mais mortelle. Le film, soutenu par la critique, sera injustement boudé dans les salles, parce que la crudité de Demy déboussole et met mal à l’aise.
Mathieu Orléan