La Bête humaine
Lantier, un conducteur de locomotive, devient l'amant de Séverine, la femme du chef de gare. Celle-ci incite Lantier à tuer son mari.
La Bête humaine peut donner à songer au Quai des brumes, esthétique presque identique, thématique voisine, mais dans la peinture des comparses, dont seule la compréhension et le goût du partage auraient, en d’autres temps peut-être, pu sauver Lantier, le film se distingue plus nettement. Et puis, bien sûr, il y a les images des trains, des voies, des gares, cette dimension quasi documentaire qui, à force de rythmes, de récurrences, d’échos visuels et sonores porte le film au lyrisme et l’emporte. En cela également, la photo de Curt Courant et Claude Renoir est admirable, au service de laquelle les décors d’Eugène Lourié se mettent entièrement, intérieurs exigus où l’encombrement des corps trahit la confusion des pensées et l’empêchement des élans, espaces découpés dans l’ombre, éclairés de pluie, qui semblent des échappées sans lendemain tendues aux humains tourmentés et auxquels nul autre parti n’est offert que de suivre la voie pour eux tracée, comme la Lison de Zola suit les rails, soufflant et crachant, et s’enfonce en hurlant dans un dernier tunnel, sans fin.
Pascal Mérigeau, Jean Renoir, Flammarion, 2012