Le Quai des brumes
Jean, déserteur de l’armée coloniale en cavale, tombe amoureux de Nelly. Celle-ci est également convoitée par un petit truand, Lucien, et par son propre tuteur, Zabel. Alors qu’il prépare sa fuite par bateau, Jean est soupçonné d’un meurtre…
Les péripéties du récit s’effacent derrière la peinture des caractères et la force des thèmes abordés : la recherche de liberté, l’amour fou, les entraves d’un monde injuste. En transposant au Havre le roman de Pierre Mac Orlan situé à Montmartre, Carné et Prévert en retiennent cependant l’atmosphère de « fantastique social ». Les dialogues de Prévert sont à la fois familiers et étrangement poétiques ; ils font entrer des expressions dans le langage courant : « T’as de beaux yeux, tu sais » … La mise en scène exemplaire de Carné harmonise une exceptionnelle réunion de talents : les décors de Trauner, qui mêlent le studio aux extérieurs réels, la photo en clair-obscur de Schüfftan, la musique envoûtante de Jaubert, et une distribution incomparable. Le couple mythique formé par Jean Gabin et la toute jeune Michèle Morgan (fêtant ses 18 ans sur le plateau), auxquels Carné demande de « chuchoter » leurs dialogues, est entouré d’une inoubliable galerie de second rôles (...)
N. T. Binh