Nous nous sommes tant aimés
En 1945, trois amis qui ont pris part à la Résistance italienne célèbrent la chute du fascisme et la fin de la guerre. La République remplace la monarchie et tous trois poursuivent leur chemin séparément. Antonio reprend sa place de brancardier dans un hôpital romain, tandis que Nicola s’en va enseigner en province et que Gianni entre comme stagiaire chez un illustre avocat. Antonio s’éprend de la belle Luciana, qui partage un temps sa vie, avant de lui préférer l’ambitieux Gianni. Sur un coup de tête, Nicola quitte tout, travail et famille, pour se consacrer entièrement à sa passion, le cinéma, désormais libre de toute propagande fascisante…
Chaque fois, ce film foisonnant, qui embrasse avec ses héros tout un pan d’histoire de l’Italie, nous offre d’émouvantes retrouvailles. Scola propose un rendez-vous avec la mémoire : la sienne, celle de sa génération ; mais aussi la nôtre, face à l’éternel retour d’un trio de comédiens inégalables, Vittorio Gassman, Stefano Satta Flores, Nino Manfredi. En eux, Scola puise le meilleur, travaillant la forme de son récit pour mieux creuser le temps. Combats perdus, idéaux brouillés : le constat d’une vie — trois vies — est amer, et pourtant constamment nimbé de dérision, de tendresse pour ses personnages. On y croise aussi De Sica, Fellini ou Mastroianni dans leurs propres rôles. Nous nous sommes tant aimés est aussi une déclaration vibrante au cinéma italien, alors déclinant et désorienté, comme les héros de ce mélancolique chef-d’œuvre.
Cécile Mury - Télérama