En 2008, Eastwood réalise Gran Torino et, pour la dernière fois à ce jour, tient le rôle principal. L’histoire : celle de Kowalski, un retraité irascible et raciste. En fait, le cinéaste convoque le souvenir de « Dirty Harry », pour preuve ce geste de Kowalski faisant mine avec le pouce et l’index de pointer un Magnum. Presque quarante ans après, Eastwood s’interroge encore sur la nature profonde de « l’inspecteur » et se demande si son personnage le plus célèbre n’avait pas exposé en son temps une part ignorée de lui même, sa « mauvaise pulsion ». Alors, il marche dans ses traces, mais comme à l’envers. Quand L’Inspecteur Harry commençait par présenter un homme sûr de lui, efficace et séducteur et révélait ensuite sa nature violente, Gran Torino se joue aussi en deux temps. Mais dans un souci de repentir ou de confession, le premier et le deuxième scénario s’inversent : d’abord Kowalski en misanthrope et réac infréquentable, puis un Kowalski sympathique, converti aux vertus du melting pot et du chemin de croix. Dialogue au long cours entre un homme et un rôle au point qu’Eastwood en finit par ne plus voir le regard sans concession que Don Siegel portait déjà sur le personnage de Harry. Gran Torino ou comment tuer un fantôme.

Bernard Benoliel